Le Drury 1/2 (J-C. Quantin - Bridgeur n°823 - décembre 2008)

 

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Chacun connaît la définition de base du Drury : en réponse à une ouverture majeure en troisième et quatrième position, la réponse de 2 est un relais destiné à vérifier la force de l'ouvreur.

Mais pourquoi procéder ainsi ? La raison essentielle est que l'on admet qu'en troisième position et, dans une mesure moindre, en quatrième position, l'ouverture au palier de 1 en majeure ne correspond pas exactement aux critères habituels. Il est notamment considéré comme efficace d'ouvrir sous certaines conditions sans les 12H requis. Cette façon de faire vise un double objectif.

• En premier lieu, la présentation d'une couleur de bonne qualité peut faciliter l'entame ou le flanc du partenaire. Par exemple, après deux passe, il vous faut absolument ouvrir de 1♠ avec :

♠ A R V X 5

5 4

V 5 3 2

8 6

Cette main ne correspond pas à une ouverture en première ou deuxième position. En revanche, une prise d'initiative en troisième position s'impose.

• En deuxième lieu, l'espace occupé par l'ouverture de 1 et 1♠ peut perturber le bon développement des enchères adverses. Vous vous apprêtiez à ouvrir de 1 ou de 1, voire de 1SA, et l'ouverture adverse vous prive de cette possibilité. Il est évident que cela peut suffire à vous empêcher de découvrir votre contrat optimal.

 

Sous quelles conditions peut-on se permettre d'ouvrir faible en troisième position ?

• Comme précisé précédemment, une couleur de bonne qualité suffit à se lancer, même éventuellement dans une couleur de quatre cartes. Ainsi, une ouverture de 1 avec

♠ 7 5 3

A R D V

8 2

X 7 4 2

remplit parfaitement le double but développé plus haut.

• Une distribution prometteuse doit également s'honorer. Comment ne pas ouvrir de 1♠ avec

♠ R 9 7 5 3

3

A D 9 6 4

5 3

En dépit de la qualité médiocre de la couleur d'ouverture, le squelette 5-5 permettrait de réaliser une manche en cas de fit ou de double fit et minimise le risque d'accident ou de pénalité en cas de misfit.

• Bien évidemment, les vulnérabilités respectives sont à prendre en compte. En cas de vulnérabilité favorable (vert contre rouge), certaines excentricités peuvent même être envisagées.

On voit bien, dès lors, qu'il est utile de disposer d'une structure d'enchères qui permette de conserver le contrôle de la situation. Cette structure est d'autant plus simple et indispensable à mettre en place que, en raison de la force limitée du répondant, bon nombre d'enchères de ce dernier ont perdu en partie leur sens originel, notamment leur caractère forcing. C'est donc là que l'on fait appel au 2 Drury.

Avant d'en débuter la description, précisons qu'il existe plusieurs versions du Drury.

 

I - L'utilisation du Drury

Votre partenaire a ouvert de 1 ou 1♠ en troisième position, l'adversaire a passé et vous détenez 10-11H avec trois (voire quatre) cartes dans sa majeure.

Si vous ne vous trouviez pas dans cette situation particulière d'une ouverture en troisième, nul doute que vous disposeriez d'une convention (type 2SA fitté) destinée à décrire un tel jeu. Le double avantage d'utiliser alors le 2 Drury est de rester au palier de 2 quand le partenaire est minimum et de libérer l'enchère de 2SA pour lui donner un autre sens conventionnel, plus efficace.

Ainsi, vous direz 2 en réponse à l'ouverture de 1♠ avec des mains telles que :

♠ R V 2

D X 8 5

A X 7 5

7 4

ou

♠ D X 6 4

R V 3

A X 2

V 5 3

 

Rappelez-vous qu'un changement de couleur naturel (à 2 ou à 2) serait à ce stade non forcing et exclurait formellement un fit en majeure.

L'ouvreur serait alors parfaitement habilité à passer puisque, compte tenu de votre passe d'entrée, il a une idée assez précise de votre force (limitée à 11 H) et de votre distribution (longueur et misfit).

 

Peut-il arriver que l'on utilise le Drury sans posséder un soutien d'au moins trois cartes ni les 10-11H requis ? Oui, quand on détient un unicolore à Trèfle et que la réponse de 1SA est inadaptée. Par exemple, avec :

♠ 6

9 4

R V 9 5

A D X 8 5 3

Il convient de répondre 2 et de poursuivre par 3 sur toute redemande de l'ouvreur. Cela suppose que ce type de mains soit inclus dans la définition du Drury. Mais ne tombez pas dans des extrêmes. Continuez à annoncer 1SA si votre jeu est trop faible, comme :

♠ 9

X 6 4

D 7 4

R D X 8 6 4

 

II – Développements

Du fait du caractère non forcing des changements de couleur naturel au palier de 2 et de l'abandon de la structure de réponse à une ouverture au palier de 1, c'est tout ou partie du sens des réponses directes qui est modifié. Mais commençons par voir d'abord comment réagir au 2 Drury.

 

1) La redemande à 2

2 est une enchère ambiguë qui couvre de nombreux cas de figure, comme une ouverture faible, une main unicolore ou bicolore (avec une mineure) dans une main excluant un chelem ou une main régulière jusqu'à 18-19H.

Développements subséquents

Après :

Sud     Ouest   Nord    Est

-       -       1♠      -

2      -       2

?

 

• 2 montre cinq cartes à Cœur et trois cartes à Pique. Cette enchère a le mérite d'être à la fois descriptive et économique.

 

• 2♠ sera la continuation la plus courante, indiquant un Drury classique sans rien de particulier à nommer, avec un fit de trois cartes, ou de quatre cartes dans une main 4-3-3-3.

 

• 2SA est une enchère artificielle qui montre un unicolore à Trèfle orienté vers les Sans-Atout. Le misfit à Pique est avéré (deux cartes au mieux). Voici une main typique :

♠ 7

D X 8

R 6 4

A V X 8 5 4

 

• 3 décrit un unicolore à Trèfle orienté vers le jeu à la couleur :

♠ 6

9 4

R V 9 5

A D X 8 5 3

(exemple de la main 1-2-4-6 déjà évoqué ci-dessus).

 

• 3 est une enchère rare qui montre, outre le fit à Pique, une belle couleur à Carreau. Mais comme vous détenez exactement trois cartes à Pique (avec quatre cartes et le même squelette, vous répondez directement 3 à l'ouverture), la main devra être particulièrement maximale, un singleton annexe étant le bienvenu. Par exemple, quelque chose comme :

♠ R X 7

8 6 4 3

A D V 9 6

4

 

• 3 correspond à la même définition que 3 mais le singleton est certain puisque l'on pourrait se contenter de 2.

 

• 3♠ est l'indication d'un soutien quatrième et d'une main maximale. Par exemple :

♠ R 7 6 4

R 4

A V 6 5

8 6 5

 

Après l'ouverture de 1, le schéma et les définitions sont exactement les mêmes, hormis 2♠ qui indique maintenant cinq cartes à Pique et trois cartes à Cœur (avec singleton souhaité).

 

2) La redemande de 2 (après l'ouverture de 1♠)

Après avoir ouvert de 1 et entendu 2 Drury en réponse, la redemande à 2 montre un bicolore au moins 5-4 et garantit une ouverture normale. La découverte d'un fit 4-4 annexe et/ou d'un atout neuvième peut être décisive dans la déclaration d'une manche tendue ou d'un chelem.

La détention d'un bicolore en troisième position doit vous conduire à ouvrir plus faible que vous ne le faites dans une autre situation. C'est pourquoi vous avez ouvert de 1♠ la main suivante :

♠ R V 8 6 4

R V 7 5 4

5 4

9

L'adversaire a passé et votre partenaire a déclaré 2 Drury. La parole vous revenant, dites-vous 2 ou 2 ?

Votre réaction dépendra de votre jugement quant à la possibilité de réaliser une manche. Avec le jeu ci-haut proposé, je vous conseillerais de déclarer 2, une manche étant assez lointaine. Mais avec une main plus prometteuse, du style :

♠ A V 8 6 4

R V 7 5 4

X 9 7

n'hésitez pas à dire 2.

 

Enfin, vous pouvez répondre 2 dans tous les cas de figure à condition d'adopter un petit stratagème. Après le début de séquence :

Sud     Ouest   Nord    Est

-       -       1♠      -

2      -       2      -

?

3 est une enchère artificielle qui transmet le message suivant : « Partenaire, j'ai de quoi dire 4 si votre ouverture est convenable. Qu'en pensez-vous ? »

 

3) Les autres redemandes de l'ouvreur

• La répétition de la majeure décrit une longueur sixième et une ouverture normale mais minimale. Là aussi, la connaissance d'un fit neuvième peut permettre au répondant qui détiendrait une main particulière de nommer une manche tendue. Le répondant peut également passer sur 2♠ si son Drury était en fait à base de Trèfles (avec deux cartes à Pique, par exemple).

• 2SA est une enchère artificielle qui indique que l'ouvreur n'exclut pas un chelem. Elle se fera la plupart du temps avec des mains unicolores, régulières ou non, par exemple :

♠ R X 8 6 4 3

A D 6

5

A R V

Sur ce 2SA, le répondant décrira ses forces de façon économique, un saut au palier de 4 dans la majeure montrant une main 4-3-3-3 (avec un soutien de quatre cartes) sans rien de particulier à déclarer, par exemple :

♠ A D 9 6

D X 6

V 6 5

D 8 5

 

Le retour dans la majeure au palier de 3 indiquera le même type de mains avec seulement trois atouts alors qu'une enchère de 3SA alertera l'ouvreur sur le fait que votre Drury était à base de Trèfle.

Attention ! Cette façon de procéder est loin d'être standard (2SA montre 15-17H réguliers, ce qui explique que, dans ce système, 2 puisse aller jusqu'à 18-19H). Si vous décidez de l'adopter, prévenez-en votre partenaire tout en étudiant bien les développements et inférences.

 

• 2♠ (sur l'ouverture de 1), 3, 3 et 3 (sur 1♠) sont des enchères naturelles fortes. Mais, comme pour la redemande de 2SA, ces dernières suggèrent fortement un chelem. Il n'est pas question d'agir ainsi avec :

♠ R V 5 4

A V 9 7 6

R

A V 4

 

Autant il serait normal de déclarer 2♠ sur une ouverture en première ou deuxième position après 1- 2, autant ce ne pourrait être ici que nuisible.

En effet, lorsqu'un chelem est exclu, il est suicidaire de fournir des renseignements sur votre main qui ne peuvent servir qu'à l'adversaire. Dans notre exemple, si vous désirez rechercher un fit de substitution à Pique, commencez par redemander à 2 et poursuivez par 2♠ sur 2.

Ayez toujours en tête ce souci de confidentialité.

Le saut au palier de 3 dans la majeure d'ouverture n'a plus d'utilité dans sa version normale. En effet, si vous détenez une main de deuxième zone et une majeure sixième sans espoir de chelem, la manche est d'ores et déjà acquise. Il ne sert à rien de se décrire. C'est pourquoi ce saut montre conventionnellement une très belle couleur (source de levées) et un fort désir de jouer 3 Sans-Atout de la main du répondant. Une main typique serait :

♠ A R D X 8 6

7 5 3

A 5

V 4

 

• La redemande à 3SA montre une main fortement orientée vers les Sans-Atout, toujours avec une couleur sixième et le désir de jouer de cette main.

Par exemple :

♠ A R X 7 5 4

R 5

D V 4

R 2

 

III - En cas d'intervention

Pour faire un Drury, il n'est évidemment plus question de conserver l'enchère de 2, qui devient alors naturelle et non forcing. Voyons comment procéder.

1) Après un Contre d'appel

Sud     Ouest   Nord    Est

-       -       1/♠    X

?

 

• Le Drury est remplacé par le Surcontre, qui montre 10-11H sans garantir ni dénier un soutien de trois cartes dans la majeure d'ouverture. Si ce dernier point vous dérange, convenez avec votre partenaire que l'enchère naturelle de 1SA n'a que peu d'intérêt dans cette situation et conférez-lui le sens d'un Drury, le Surcontre excluant alors un fît.

 

• Les changements de couleur au palier de 2 (et 1♠ après l'ouverture de 1) sont naturels et non forcing.

 

• Avec quatre atouts et 9-11 H, utilisez le Truscott à 2SA.

Avec quatre atouts et une main plus faible, soutenez naturellement l'ouvreur au palier de 3 (avec un 4-3-3-3, préférez un soutien au palier de 2).

 

• Les changements de couleur à saut sont des enchères de rencontre, naturelles et fîttées par quatre cartes.

 

• Qu'en est-il des changements de couleur à saut au palier de 4 ? Doit-on considérer qu'ils sont l'expression d'un violent bicolore ou des Splinters ? A titre personnel, tout en estimant que les deux options sont valables, j'ai pris pour politique qu'il n'y a de Splinter que dans les couleurs annoncées naturellement par l'adversaire. Ici, un changement de couleur à saut au palier de 4 montre donc un bicolore d'au moins dix cartes. Ainsi, avec :

♠ A 9 8 5 4

5

7 5

R D X 9 6

la séquence serait :

Sud     Ouest   Nord    Est

-       -       1♠      X

4

 

2) Après une intervention naturelle

 

• Quand l'adversaire est intervenu naturellement, le Drury est remplacé par le Contre. Sur celui-ci, l'ouvreur réagit comme sur un Contre Spoutnik (qui serait d'appel pour les autres couleurs). En aucun cas ce Contre ne garantit un soutien de trois cartes dans la majeure d'ouverture.

 

• Les changements de couleur sans saut deviennent naturels et non forcing.

 

• Les changements de couleur avec saut conservent la même signification que précédemment.

Attention, cependant ! Si l'espace manque pour un saut au palier de 3, on effectuera ce saut au palier de 4 mais sa définition correspondra à un saut au palier de 3. Par exemple, avec :

♠ R V 7 5

5 4

A D X 8 6

6 2

 

Sautez à 4 dans la séquence :

Sud     Ouest   Nord    Est

-       -       1♠      2

4

 

3 serait naturel et non forcing. Faute d'espace, l'enchère de rencontre (4) est décalée d'un cran.

 

• Le soutien constructif en majeure se traduit par un Cue-Bid de l'intervention adverse. Cette enchère ne montre rien d'autre qu'un soutien de quatre cartes et 9-11 H.

 

• Le saut au palier de 3 dans la majeure d'ouverture est effectué avec des mains plus faibles que celles justifiant un Cue-Bid.

 

• Enfin, le Cue-Bid au palier de 4 de la couleur d'intervention est un Splinter.

 

 

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