Les réponses aux barrages (M. Bessis - Bridgeur n°757 - décembre 2002)

 

Une série d'exercices accompagne cet article (voir « jeux & exercices »)

 

Cliquer ici pour afficher l’article : Les ouvertures de barrage (M. Bessis - Bridgeur n°756 - novembre 2002)

 

Principe général

 

Comme en face d'un 2 faible, le répondant aura deux types d'attitude possibles :

 

· Une attitude constructive

Il devra alors se poser la question suivante : compte tenu de l'ouverture précise du partenaire, quel contrat puis-je réaliser ?

 

· Une attitude destructrice

Qui consistera, la plupart du temps, à prolonger le barrage pour que les adversaires aient des difficultés à découvrir leur contrat gagnant. Dans ce cas, grâce à la précision de l'ouverture, on pourra évaluer correctement le potentiel de la ligne adverse.

 

 

La théorie

 

1 - Réponses aux ouvertures de 3 et 3♠

 

A) L'attitude destructrice : la prolongation du barrage

             

Avec des mains relativement fittées, le répondant devra, même sans espoir de manche, penser à continuer les enchères jusqu'au palier de 4, ce qui aura pour effet de rendre parfois impossible la tâche des adversaires. Regardons tout ceci de plus près à travers un exemple.

              ♠ V 6 2

              R 3

              A 7 5 4

              V 6 4 3

♠ 7 4                       ♠ A

A X 7 4 2                 D V 8 5

D 3                       V X 6 2

A D 5 2                   R X 9 8

              ♠ R D X 9 8 5 3

               9 6

              R 9 8

              7

 

Personne vulnérable. Sud ouvre de 3. Ouest passe et Nord doit raisonner de la façon suivante : « Mon partenaire a environ six levées et je lui en apporte deux. Le potentiel de notre camp est donc de huit levées à l'atout Pique. Pendant ce temps, les adversaires ne devraient pas donner plus de trois levées (mettons, vu de sa main, un Cœur, un Pique et un Carreau). La défense à 4 Piques contre 4 Cœurs est donc convenable. Il faut déclarer 4 tout de suite. »

 

Regardons maintenant les résultats que procure cette façon de faire. Première séquence :

Sud     Ouest   Nord    Est

3♠      -       4♠      -

-       -

On joue tranquillement 4 Piques.

 

Si on n'avait pas prolongé le barrage :

Sud     Ouest   Nord    Est

3♠      -       -       X

-       4      4♠      -

-       X

 

Les adversaires ont pu s'exprimer.

 

Ceci n'est qu'un exemple parmi tant d'autres qui devrait vous persuader de l'action à entreprendre sur les ouver­tures de 3 et de 3♠.

 

- Avec trois atouts : Prolongation systématique du barrage.

- Avec deux atouts  : Prolonger le barrage cha­que fois que l'on est sûr que la défense sera bonne.

 

B) L'attitude constructive : la déclaration des contrats en attaque

 

Face à une ouverture de 3 ou de 3♠, il peut également se faire que le répondant pense à gagner une manche. Pour bien juger sa main, il ne devra pas, bien sûr, raisonner en terme de points mais plutôt en termes de levées en accordant toute la valeur qu'ils méritent aux honneurs de tête et en dévaluant les petits honneurs.

Imaginons que, face à une ouverture de 3, vous possédiez l'une des deux mains suivantes :

1) ♠ D V 2

   X 4

   R D 8 6 3

   A D 3

 

2) ♠ A 5 2

   X 4

   A 8 6 5 3

   A X 8

 

Avec la main 1), vous n'avez quasiment aucune chance de réussir la manche alors qu'avec la main 2) les pers­pectives sont infiniment supérieures. Si vous n'en êtes pas persuadé, visualisez la main de votre partenaire (avec par exemple sept Cœurs par As-Roi). On passera donc avec la main 1) et on déclarera la manche en attaque avec la main 2).

 

Remarque importante : le contrat de 3 Sans-Atout

Face à une ouverture de 3 ou de 3♠, le contrat de 3 Sans-Atout sera très rarement envisagé. En effet, l'ou­verture de 3 ou de 3♠ ne promettant pas formellement une belle couleur, on ne pourra déclarer 3SA que dans deux cas précis :

. 1er cas :

Avec un beau fit permettant d'avoir la certitude de réali­ser la longueur du partenaire (trois cartes sont souhai­tables). Exemple :

♠ R 6 2

A 5 4

A X 6 4

D V 5

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                3      -

3SA

Le contrat de 4 Cœurs est fragile. Essayons de protéger le Roi de Pique à l'entame.

 

. 2ème cas :

Avec une main permettant de réali­ser 3 Sans-Atout sans utiliser la longue du partenaire. Exemple :

♠ R 5 2

A V 3

A R D X 9 6 2

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                3      -

3SA

 

Il faudra donc éviter 3 Sans-Atout avec les mains peu fittées si l'on pense devoir se servir de la longue du parte­naire pour réaliser neuf levées. Exemple :

♠ A V 8 2

2

R D X 4

R X 4 2

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                3      -

Passe

 

2 - Réponses aux ouvertures de 3 et 3

 

Encore plus précises que les ouvertures au même palier en majeure, elles ne devraient pas occasionner d'impor­tants problèmes de réponse.

 

A) Le contrat de 3 Sans-Atout

 

Le répondant pensera, en priorité, au contrat de 3 Sans-­Atout et, par voie de conséquence, à la réalisation de la longue du partenaire. Il attachera une importance parti­culière à la présence de l'honneur complémentaire qui permet d'avoir la certitude de posséder sept levées rapides dès qu'il prendra la main. Exemples, en face d'une ouverture de 3 :

1) ♠ A 6 2

   V 9 8 7 5

   A 3 2

   D 5

 

2) ♠ A V 6 4

   A D 5 2

   R D 6 4

   3

La main 1) permet de compter neuf levées face à l'ouver­ture de 3. En revanche, rien de tout cela ne semble possible avec la main 2) pourtant bien plus riche. Il fau­dra donc passer avec cette dernière alors qu'on annon­cera 3SA sur 3 avec la main 1).

 

B) La découverte d'un contrat en majeure

 

Si le répondant, nanti d'une longue en majeure, constate que le contrat de 3 Sans-Atout est impossible faute de tenue dans une couleur non nommée, il peut essayer de rechercher un contrat dans sa couleur. Pour ce faire, il annoncera sa majeure au palier de 3 (enchère forcing). Son partenaire lui donnera le fit avec trois cartes quel­conques ou un honneur second. Exemple :

♠ D 5

8 6

7 5

A R X 9 6 4 3

Face à :

♠ A R V 6 4 2

4 2

A X 4

D 5

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                3      -

3♠      -       4♠

 

Remarque

Pour agréer le fit, l'ouvreur de barrage pourra donner un soutien direct ou annoncer un contrôle ce qui, par infé­rence, montrera le fit. Exemple :

♠ 7 6 5

2

V 4

A R V X 7 6 5

face à

♠ A R D X 4

9 4 3

A R 2

D 4

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                3      -

3♠      -       4

6♠

 

Elégant, non ?

 

C) La prolongation du barrage

Moins importante que sur les ouvertures majeures, elle obéit aux mêmes principes directement tirés de la loi des levées totales. Signalons quand même que les réponses directes au palier de 5 causent beaucoup plus de soucis aux adversaires puisqu'elles « brûlent » le palier normal de leur manche. On y aura bien volontiers recours quand on saura que le sacrifice n'est pas excessif. Exemple, non vulnérable contre vulnérable :

♠ X 2

A 5 4 3

V 9 5 2

D 6 3

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                3      -

5

 

La défense n'excédera pas 500 points. Il faut placer la barre à ce palier.

 

3 - Réponses aux ouvertures de 4 et 4

 

Nous n'allons ici nous préoccuper que de l'aspect constructif de ces réponses. Bien sûr, il pourra arriver de répondre à ces ouvertures au palier de 6 pour prolonger le barrage, mais ce sera plutôt rare. Essayons donc de voir avec quel genre de mains il est possible de faire un effort de chelem sur une ouverture de 4 ou 4♠. En fait, il faut toujours procéder de la même façon, c'est à dire essayer de compter douze levées en tenant compte, bien sûr, de la vulnérabilité pour connaitre le nombre minimum de levées promis par le partenaire. Si on y parvient, il faudra tenter de savoir si les adversaires ne peuvent pas encaisser deux levées rapides.

Exemples, personne vulnérable, le partenaire ouvre de 4 :

1) ♠ A D 4 3

   2

   A V 6 4

   A D 5 4

 

2) ♠ A R D 6 3

   V 5

   R D X

   R D V

 

3) ♠ A R 4

   A 6 2

   A R 7 4

   7 6 2

 

1) Même avec huit levées chez l'ouvreur, le chelem ne sera pas sur table. Il faut passer.

 

2) Il y a manifestement douze levées, mais après que vos adversaires auront encaissé leur deux As (l'ouverture de 4 montrant cette cruelle absence). Il faut encore passer.

 

3) Même avec seulement sept levées chez l'ouvreur, on compte douze plis. L'objectif sera de découvrir la présence d'un éventuel contrôle à Trèfle et reparler.

 

À la lumière de ces exemples, vous comprenez qu'il est exclu de reparler avec plus d'un problème et notam­ment si deux couleurs ne sont pas contrôlées.

 

A) L'abandon des enchères de contrôle :

 

Les interrogatives

Quand le répondant aura comme seul problème celui du contrôle dans une couleur donnée, il annoncera cette cou­leur au palier minimum (attention, la séquence 4 - 4♠ n'est pas naturelle). L'ouvreur répondra alors par palier :

. 1er palier  : Pas de contrôle.

. 2ème palier : Contrôle du 2ème tour (singleton ou Roi).

· 3ème palier : Contrôle du 1er tour (chicane ou As).

Exemple :

♠ 8 4 3

R D V X 9 7 6 5

3

7

face à

♠ A 5 2

A 4 3

7 6 2

A R D V

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                4      -

5 (1)  -       5♠ (2)  -

6

 

(1) interrogative à Carreau

(2) 2ème palier : contrôle du 2ème tour

 

Remarque

Si l'ouvreur détenait deux petits Carreaux, il répondrait 5, qui serait le contrat final. Et s'il possédait chicane

Carreau, il annoncerait 5SA et Est conclurait à 7.

 

B) L'emploi d'un Blackwood spécial

 

Dans la mesure où l'ouverture au palier de 4 dénie deux As, il semble pour le moins biscornu de continuer à jouer un Blackwood traditionnel sur ces ouvertures. C'est pourquoi je vous propose d'adopter le Blackwood simple suivant, en tenant compte du fait que le Blackwood interroge sur la présence d'un As extérieur et d'As-Roi-Dame d'atout. Pour son ouverture de 4 ou 4♠, l'ouvreur peut posséder une, deux ou trois de ces quatre cartes-clés, en aucun cas zéro (la couleur serait trop laide), ou quatre (car il aurait trop de jeu). Il répondra donc :

4(♠) - 4SA

5  : pas d'As.

5  : une carte clé (l'As) et huit cartes.

5  : deux cartes clés dont un As et sept cartes.

5♠  : deux cartes clés dont un As et huit cartes.

5SA : trois cartes clés dont un As et sept cartes.

6  : trois cartes clés dont un As et huit cartes.

Sur la réponse de 5 (pas d'As), le répondant dispose d'un relais à 5 sur lequel l'ouvreur dit :

4(♠) - 4SA

5  : 5 (relais)

5  : une carte-clé.

5♠  : deux carte-clés.

 

Si ces réponses vous paraissent trop difficiles à retenir, vous pouvez adopter celles-ci, où le nombre de cartes détenues n'est pas répondu :

4(♠) - 4SA

5  : pas d'As.

5  : une seule carte clé, donc un As.

5  : deux cartes clés dont un As.

5♠  : trois cartes clés dont un As.

 

Remarque : Ce Blackwood peut être employé sur toutes les ouvertures de barrage (2 faible, 3 en majeure, etc.). Atten­tion, il s'agit d'une convention personnelle et donc inusi­tée. Si vous décidez de l'adopter, avisez-en votre partenaire.

 

C) « Joséphine » adapté

 

Nanti d'une main misfittée mais possédant largement de quoi faire douze levées, le répondant pourra utiliser la séquence : 4(♠)-5(♠) qui demandera à l'ouvreur de nommer le chelem s'il n'envisage pas de perdre plus d'une levée d'atout avec un singleton dans la couleur chez son partenaire. Exemples :

♠ X 2

D V X 9 8 7 6 5 4

R 7

 

Face à :

 

♠ A R 5 3

2

A R D 6 4

A 4 3

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                4      -

5      -       Passe

 

mais :

 

♠ X 2

A R 8 7 6 5 4 3

4

5 2

 

Face à :

 

A R 5 3

2

A R D 6 4

A 4 3

 

Sud     Ouest   Nord    Est

                4      -

5      -       6

 

 

Remarque : nanti d'une couleur maîtresse, l'ouvreur répondra conventionnellement 5SA à cette question, ce qui pourra permettre de déclarer un grand chelem.

 

4 - Réponses à l'ouverture de 3SA

 

Rien de bien difficile puisque l'ouverture est ultra précise. Le répondant dira obligatoirement 4 s'il ne veut pas jouer la manche et 5 s'il préfère la jouer dans la couleur de son partenaire, l'ouvreur étant tenu, bien sûr, de rectifier à Carreau quand il possède cette couleur. Signalons quand même une manœuvre tactique amusante : imaginons que votre partenaire ouvre de 3SA et que vous déteniez non vulnérable :

♠ 9 6 4 3

V 5

D 8 6 4 2

7 2

 

Il peut être amusant de passer tout en sachant que le risque de faire neuf de chute n'est pas mince. En effet, si les adversaires ne réveillent pas, le score de 450 pour eux sera fatalement meilleur que celui obtenu à 4 Trèfles contré (500). Bien sûr, s'ils contrent, il faudra se sauver.

 

Une convention intéressante bien que rare.

Supposons que, face à une ouverture de 3SA, vous déteniez :

♠ 7 6 2

A R 5

A R D X 4

8 3

 

Vous avez l'intention de jouer 5 Trèfles. Mais le chelem (à Trèfle) est sur table si le partenaire détient un singleton à

Pique. Il faudra alors utiliser l'enchère conventionnelle de 4 qui demande à l'ouvreur de décrire son éventuel singleton. Il répondra alors :

3SA - 4

4  : Singleton Cœur.

4♠  : Singleton Pique.

4SA : Pas de singleton.

5  : Singleton dans l'autre mineure.