Le Pair-Impair (M. Bessis - Bridgeur n°696 - mai 1997)
I - Le Pair-Impair, pourquoi ? Comment ?
Le but du pair-impair est d'indiquer à son
partenaire le nombre de cartes que l'on possède dans la couleur jouée (ou
défaussée). Ceci lui permet alors de compter la main et de formuler les
hypothèses nécessaires à la chute du contrat.
Comment indiquer ce nombre de cartes ? Deux
situations légèrement différentes, suivant que l'on est à l'entame (à la
couleur) ou en cours de jeu.
1 - En cours de jeu
a) Avec un nombre impair de cartes, on
fournira toujours la plus petite de ses cartes :
8 6 2 D 7 3 D 9 8
7 6
b) Avec un nombre pair de cartes
- Avec deux cartes : toujours la plus grosse
:
X 5 7 4 3 2
- Avec quatre cartes : la seconde meilleure :
V 8 4 2 9 6 4 3
Remarque 1 : il faudra néanmoins prendre
garde à ne pas gaspiller des cartes susceptibles de produire une levée,
notamment les honneurs :
R V 6 2 A X 8 4
Remarque
2 :
- Quand la carte fournie par votre partenaire
sera la plus petite, vous serez sûr qu'il détient un nombre impair de cartes.
- Quand ce sera la plus grosse de celles qui
vous manquent, vous saurez qu'il en possède deux (ou une).
- Dans les autres cas, il risquera d'y avoir
une ambiguïté (cf. infra).
2 - A l'entame
Je vous conseille, dans les contrats à la
couleur, d'adopter la convention du pair-impair strict, qui a pour but
d'indiquer clairement le nombre de cartes sans préjuger de la présence ou de
l'absence d'honneurs dans la couleur entamée.
Autrement dit, on entamera de sa plus petite
carte dès que la couleur en comportera un nombre impair, donc aussi bien avec :
9 6 2 8 6 5 4 2
Qu’avec :
R 7 2 R 8 6 5 4
Et ce, contrairement aux adeptes du
pair-impair souple, pour qui l'entame d'une petite carte garantit un honneur.
Une petite concession, tout de même : Avec
quatre cartes dont un honneur, entamez de la troisième meilleure, et réservez
l'entame de la seconde meilleure aux couleurs quatrièmes faibles :
R
7 4 2 R 9 8 2 9 7 4 2 9 8 7 2
II - Lecture du pair-impair et déductions
diverses
Il va de soi que, pour tirer tout le bénéfice
de cette signalisation (comme de toutes les autres, d'ailleurs), il est
nécessaire que le joueur qui reçoit le renseignement fasse un véritable effort
de lecture et de décodage de l'information reçue. Dans la grande majorité des
cas, il pourra reconstituer la composition de la couleur entre les quatre
mains.
De temps à autre, surtout si le déclarant
pense à fournir des fausses cartes, une ambiguïté demeurera, et c'est à l'aide
des enchères ou en tenant compte d'hypothèses de nécessité que le doute sera
levé.
Regardons tout ceci à travers deux exercices
où vous serez à la place de l'entameur.
Exercice n°1 :
Vous possédez en Ouest A R 5 2 à Carreau, le
mort D X 8 3. Au contrat de 4 Cœurs, vous entamez de l'As de Carreau et vous
aimeriez bien savoir si votre Roi passe et, dans ce cas, si c'est votre
partenaire ou le déclarant qui coupe le troisième tour de la couleur.
Examinons différents cas selon les cartes
fournies par votre partenaire et le déclarant :
1er
cas :
D X 8 3
A R
5 2 V
4
Le Valet de ♦
apparait en Est et le 4 en Sud, que faites- vous ?
Réponse : Votre partenaire a fourni sa plus
grosse carte, il est donc doubleton ou singleton, vous tirez le Roi pour lui
donner ensuite une coupe.
2ème cas :
D X 8 3
A R 5 2 9
V
Le 9♦
apparait en Est et le V en Sud, que faites- vous ?
Réponse : votre partenaire a encore fourni sa
plus grosse carte, il est donc doubleton ou singleton, le déclarant a essayé de
vous tromper.
3ème cas :
D X 8 3
A R 5 2 4
9
Le 4♦
apparait en Est et le 9 en Sud, que faites- vous ?
Réponse : votre partenaire a fourni sa plus
petite carte, il a donc 1 ou 3 cartes, il n'est probablement pas urgent de
jouer le Roi pour affranchir les ♦ du
mort.
Exercice n°2 :
Après la séquence :
Sud
Nord
1SA
3SA
Vous entamez, en Ouest du 4 de Carreau, et le
mort s'étale:
♠ R 8 4
♥
V X 9
♦
V X 9
♣
A X 8 4
♠
X 9 3
♥ R 5 4
♦ A D 8 4 2
♣ 9 6
Le 9 du mort fait la levée, le déclarant
rejoue le V♥ qu'il laisse courir jusqu'à
votre Roi.
Que faites et pourquoi ?
Solution : Personne ne peut savoir ce qu'il
convient de faire sans connaître la carte fournie sur l'entame par Est.
1er cas : Est fournit le 5 et le déclarant le
3 : Le 5 est la plus petite carte. Donc Est possède une ou trois cartes à ♦. S'il n'en a qu'une, les espoirs de chute sont
réduits. S'il en détient 3, le R♦ du
déclarant est maintenant sec. Il faut tirer l'As de Carreau.
Remarque : C'est à la première levée que cette
reconstitution doit être faite par l'entameur et c'est ce qui explique que la
plupart des bons joueurs considèrent longuement la première levée, avant de
retourner leur carte d'entame.
2ème cas : Est fournit le 7 et le déclarant
le 5 : Le 7 est la plus grosse carte restante. Donc Est a, au plus, deux cartes
à Carreau. Un seul espoir : qu'il possède une reprise pour transpercer le Roi
de Carreau du déclarant qui reste protégé. Rejouons Pique et espérons.
3ème cas : Est fournit le 6 et le déclarant
le 3 : Sud ne peut détenir R 3 secs, car Est aurait alors 7 6 5 et c'est le 5
qu'il aurait fourni. Il ne faut donc pas tirer l'As de Carreau.
Nous venons de voir, à travers ces quelques
exemples, à quel point le pair-impair pouvait venir en aide aux joueurs de
flanc. Est ce à dire qu'il est obligatoire de toujours montrer son nombre de
cartes, au risque d'aider considérablement le déclarant ?
III - Le pair-impair : quand ?
Il y a trois situations fondamentales où il
n'est pas question de ne pas montrer scrupuleusement son nombre de cartes :
1 - En entamant contre un contrat à la
couleur.
2 - Sur l'entame du partenaire à la couleur
ou à Sans-Atout (exception faite des cas classiques d'appel direct ou de
préférence).
3 - Dans une couleur longue du mort qui
détient par ailleurs un nombre réduit de rentrées.
Dans les autres cas, il faudra se poser la
question de savoir si le compte de la couleur jouée intéresse le partenaire ou
le déclarant. On prendra garde notamment à ne pas indiquer sa parité quand le
déclarant jouera une couleur maîtresse ou quasi maîtresse.
Quand le déclarant ouvre une couleur
maîtresse ou quasi maîtresse, ni Est ni Ouest ne doit indiquer le compte de
cette couleur, ce renseignement ne pourrait aider que le déclarant.
IV - Le pair-impair : Exercices d'application
1) après la séquence :
Sud
Nord
1SA
3SA
Vous entamez, en Ouest du 5 de Pique, et le
mort s'étale :
♠ D V 9
♥ R 7 2
♦ 9 8 7
♣
A 9 7 6
♠ R X 6 5 4
♥ X 9 8 5
♦ A D
♣ 5 3
La Dame du mort fait la levée, le déclarant
rejoue 9♦ que vous prenez de la Dame
Que rejouez-vous ...
a) si Est a fourni le 3♠ et Sud le 2♠
b) si Est a fourni le 7♠ et Sud le 3♠
Que rejouez-vous ?
a) Votre partenaire possède un ou trois
Piques. Espérez que c'est trois et rejouez Pique, car l'As du déclarant est
désormais sec.
b) Le 7 de Pique fourni prouve que le
déclarant détient encore l'As de Pique second. Il ne faut donc pas rejouer
Pique. La meilleure chance de faire chuter consiste à rejouer le 10 de Cœur en
espérant l'As en Est et un retour Pique, tant que l'As de Carreau n'a pas
encore sauté. Remarquons qu'il y a une autre chance de chute possible :
As-Valet de Cœur quatrièmes en Est.
2) Après la séquence :
Ouest
Nord Est Sud
1♠
3♦ -
3SA
Vous entamez, en Ouest du R♥ pour le 3, le 5 et le X, à vous :
♠ R 5
♥
8 3
♦
R D V X 9 8 7
♣
6 3
♠
D V 9 6 4
♥ A R V 9 4
♦ 2
♣ X 8
Solution : Est ne possède pas la Dame qu'il
aurait débloquée‚ ni 4 cartes à ♥ car il
aurait fourni le 7 ou le 6. Il faut donc retrouver Est et ♣ est la meilleure chance. Donc X♣
3) Après la séquence :
Sud
Nord
1SA
3SA
Vous entamez, en Ouest du 6♠, le 9 du
mort fait la levée
♠ D X 9
♥
R 2
♦
V X 9 4
♣
A 8 7 6
♠
A V 7 6 5
♥ V X 3
♦ R 5
♣ 9 3 2
Le déclarant présente V♦ qu'il laisse courir jusqu'à votre Roi. Que
rejouez-vous si ...
a) Est fournit le 3♠ et Sud le 2♠
b) Est fournit le 4♠ et Sud le 2♠
Solution :
a) Il faut faire un coup à blanc à ♠
(Est y détient 1 ou 3 cartes)
b) Est ne détient que 2 cartes à ♠, il
faut donc tenter sa chance ailleurs, donc : V♥
4) Après la séquence :
Nord
Sud
2♥ 2♠
3♥ 3SA
Votre partenaire, en Ouest, entame D♣ puis A♣
et enfin R♣, que défaussez-vous ?
♠ X 4
♥ R D V 9 6 5
♦ 8 3
♣ 9 3 2
♠ V 7
♥
X 8 7 2
♦ D V X 9 4
♣ 7 6
Solution :
8♥ :
pour indiquer à votre partenaire que vous avez 4 cartes …à3♥ et lui permettre de prendre au bon moment (au
1er tour de ♥) et de limiter le déclarant à
8 levées
5) Après la séquence :
Nord
Sud
1♣ 1♠
2♣ 4♠
Votre partenaire, en Ouest, entame D♦ respectée, puis le Valet pour le Roi et votre
As, vous poursuivez à ♦ mais le déclarant
coupe, encaisse 3 tours de ♠ (votre partenaire fournit) et rejoue le 7♣ pour le X d'Ouest et la Dame du mort
Comment envisagez-vous la suite ?
♠ 7
♥
A 6 2
♦
R 8 4
♣
R D 9 8 6 3
♠ 8 5 4
♥ V X 9
♦ A 9 6 5
♣ A V 4
Solution
:
Il ne faut surtout pas prendre de l'As car
Sud pourrait alors rejouer ♣ puis ♣ coupé avant de remonter à As de ♥ pour défiler les ♣
affranchis.
6) Après la séquence :
Sud Nord
1♠
2♣
2♠
4♠
Vous entamez R♦
pour le 3, le 2 et L'As. Le déclarant joue ♣
pour l'As et laisse courir la D♠. Vous prenez du Roi.
Que rejouez-vous et pourquoi ?
♠ D V 4
♥ R 9
♦
9 6 3
♣
A D X 9 2
♠
R 5
♥ X 7 3
♦ R D V 7 5
♣ 8 7 3
Solution
:
Est détient 3 cartes à ♦, et Sud possède sans doute le R♣, il faut donc encaisser une levée de ♦ puis espérer A D de ♥
en Est.
Remarque : rejouer 2 fois ♦ permettrait au déclarant de défausser ses
perdantes ♥ sur les ♣ du mort.