L’entame à la couleur (J-P. Desmoulins – Bridgeur n°825 - février 2009)

 

Cet article traite de la carte à entamer une fois la couleur d’entame choisie.

 

A. Les interdits

 

Sauf circonstance très particulière, contre un contrat à la couleur, il ne faut pas entamer :

• Sous un As.

• D'un honneur isolé, sauf dans la couleur du partenaire.

 

En d'autres termes :

1. Oui, il est autorisé (mais dangereux) d'entamer sous un Roi.

2. Non, on n'entame pas d'un honneur second non séquencé.

 

Je sais, certains parmi vous vénèrent l'entame du Valet second (j'ai des noms). Le problème est que vous « toucherez » souvent une couleur que le déclarant aurait dû manœuvrer lui-même. Pas convaincu ? Voyez plutôt...

 

                D 5 2

V 4                           R 9 7 6

                A X 8 3

 

Si l'objectif du déclarant est de faire deux levées dans la couleur, il jouera l'As, puis un petit vers la Dame. Voyant le Valet apparaître au deuxième tour, il fera par la suite l'impasse au 9. Tout va bien. Mais s'il voulait, par exemple en tournoi par paires, faire trois levées de Cœur, le meilleur maniement est de jouer d'abord un petit vers la Dame (raté), puis un petit vers le 10 (encore raté) et enfin de tirer l'As (caramba !) : il ne fera qu'une levée dans la couleur !

Si vous avez glorieusement entamé de votre Valet second, le déclarant couvrira de la Dame pour capturer le Roi de votre partenaire, puis réalisera encore le 8 et le 10 par l'impasse au 9... Bravo, l'entame a livré la bagatelle de deux levées !

 

B. L'entame d'un honneur

 

On appelle séquences les teneurs suivantes : As-Roi, Roi-Dame, Dame-Valet, Valet-10 et 10-9.

 

 

Lorsque la couleur d'entame comporte une séquence, il est prioritaire d'entamer de la tête de séquence, donc de la plus grosse des deux cartes consécutives.

 

 

Exemple : avec D X 9, on entamera du 10, tête de la « séquence interne ».

 

 

 

Lorsque la couleur d'entame comporte deux séquences, on entamera la tête de séquence la plus élevée.

 

 

Exemple : avec R D X 9, on entamera du Roi, tête de la séquence la plus haute.

 

9 8 n'est pas une séquence !

Que voulez-vous, il faut bien fixer une limite, sinon on entamerait du 4 avec la "séquence" 4 3 2 !

 

 

On entame du Roi avec As-Roi dans deux cas :

As-Roi secs.

As-Roi et un singleton annexe que l'on projette de rejouer.

 

 

 

Remarque

L'entame du Roi à la couleur ne montre absolument pas trois honneurs dans la couleur. Avec A R V X par exemple, il faut entamer de l'As et non du Roi (sauf singleton annexe, bien sûr...).

 

Prenons un petit exemple pour illustrer l'intérêt d'entamer avec rigueur. Imaginons que Sud joue un contrat à l'atout Pique.

 

                D 8 6 4

3                             A R 7 5 2

                V

 

Ouest entame du 3 de Cœur pour le 4 du mort, votre Roi et le Valet du déclarant. Ce Valet est-il sec ? Dans ce genre de cas... imaginez qu'il l'est et représentez-vous avec précision quelles seraient les cartes de l’entameur dans la couleur. Ici, il posséderait X 9 3.

C'est impossible car il aurait entamé du 10, en tête de séquence. Le seul diagramme possible est donc :

 

                D 8 6 4

3                             A R 7 5 2

                V X 9

 

Votre partenaire sera donc ravi d'encaisser une coupe dans la couleur... Mais le déclarant a-t-il bien joué en fournissant le Valet ?

Certainement pas ! La seule carte qui aurait pu tromper le flanc était le 10, « cassant » ainsi sa propre séquence. L'entameur aurait alors très bien pu détenir V 9 3 ...

 

C. L'entame d'une petite carte

 

Sans séquence, on entame pair-impair contre un contrat à la couleur, donc en donnant le compte de la couleur entamée.

L'idée générale est donc de fournir :

• En montant avec un nombre impair de cartes dans la couleur.

• En descendant avec un nombre pair de cartes dans la couleur. Précisons tout cela...

 

 

Avec un nombre impair de cartes, on entame systématiquement de la plus petite.

 

 

Exemple : on entamera du 2 avec 9 6 2 comme avec R V 8 5 2.

Il n'y a donc aucune notion de petit prometteur à l'entame.

 

Avec un nombre pair de cartes, on entame :

• De la plus grosse avec un doubleton.

• De la deuxième meilleure avec quatre petites cartes.

• De la troisième meilleure avec un ou deux honneurs(s) quatrième(s). Exemples :

on entamera du 9 avec 9 3, du 8 avec 9 8 7 6 (et pas du 9 !) et du 4 avec D 9 4 2.

À la couleur, l'entame d'un 9 proviendra toujours d'un doubleton (ou d'un singleton).

 

Pourquoi ne pas entamer également de la deuxième avec un honneur quatrième ? Parce que cette carte peut jouer un rôle ! Par exemple :

 

                R 5

D 9 4 2                       A V 7

                X 8 6 3

 

Si vous entamez du 4, votre partenaire prendra du Valet, tirera l'As et vous aurez conservé la fourchette Dame-9 sur X 8.

Si vous entamez du 9, il vous restera, après les deux premières levées, D 4 pour X 8 chez le déclarant qui pourra encore réaliser une levée dans la couleur.